C’est en saint Matthieu que nous lisons cet épisode des mages : du début jusqu’à la fin de son Évangile, Matthieu nous parle de déplacements, de retournements auxquels les humains doivent consentir pour reconnaître Celui qu’ils cherchent depuis toujours. Les premiers à venir à Bethléem sont des étrangers venus d’Orient, des païens comme on disait à l’époque : des mages qu’à Jérusalem, on aurait volontiers ignorés. Les autorités juives acceptent de leur ouvrir les Écritures, mais elles se gardent bien de se déplacer ! Pour elles, la capitale de Dieu est à Jérusalem ! Ils sont pleins de certitudes à propos de Dieu et comment il convient de l’honorer ! Seuls des étrangers, dont la seule certitude est qu’il leur faut marcher, se désinstaller, font le chemin vers cette obscure bourgade pour y contempler l’enfant-Dieu couché dans une mangeoire ! Complètement inattendu et – diraient certains – ‘pas très sérieux’ pour un Dieu qui cherche à se révéler. Le même Matthieu écrit que, trente-cinq ans après, c’est un étranger, soldat de l’armée romaine, qui s’écrie devant la croix : « Vraiment cet homme était Fils de Dieu. » Il ne lui restera plus qu’à conclure son Évangile ainsi : « Allez donc ! De toutes les nations faites des disciples … Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps. » La présence du Christ est assurée : voilà le fondement de notre espérance !
En cette période d’incertitudes, cet Évangile de déplacement et d’ouverture peut nous inviter à quelques attitudes :
** la première attitude nous concerne d’abord comme citoyens : le goût d’une véritable démocratie. Notre foi en Dieu nous parle justement de la capacité de chacun d’apporter son point de vue… ce qui ne veut pas dire qu’on sera d’accord avec lui. Des débats tournent court, révélant souvent une paresse intellectuelle et une incapacité à aborder la complexité. Notre situation est pourtant complexe et ce n’est pas en collant des étiquettes qu’on peut chercher à avancer, dans les débats éthiques actuels par exemple « Ils partirent par un autre chemin » : le monde d’après n’existe pas encore et nous aussi pouvons témoigner que le chemin est à inventer ensemble.
** seconde attitude : la foi est un chemin et nous ne pouvons pas stationner quelque part, tant la rencontre de nos frères nous sollicite. Nous sommes sans cesse invités à ne pas bouder les rendez-vous avec nos frères les plus marqués par bien des précarités… précarités qu’a connues celui qui est né dans une mangeoire d’animaux, celui qui a croisé et remis debout bien des gens malades et exclus et celui qui est mort sur une croix. Le suivre comporte bien des déplacements dans nos têtes et dans nos cœurs. Cette ouverture active aux plus blessés de la vie demande toujours d’inventer des nouvelles solidarités au milieu des précarités qui vont éclater en 2021.
** au-delà des valeurs auxquelles nous tenons avec bien d’autres, nous sommes invités sans cesse à mettre quelqu’un au centre de notre vie et à marcher dans ses pas : Jésus le Christ. C’est lui qui nous aide à bien aimer la vie et donc les autres et à puiser cet amour en Dieu notre Père. Avec lui, Jésus nous sommes invités à placer nos vies sous l’horizon de Pâques. Alors ces présents que sont l’or, l’encens et la myrrhe nous parlent déjà de l’aventure humaine de Jésus : sa ‘royauté’, il l’a vécue sous le mode de l’humble service de l’humain et sa vie a la bonne odeur de l’amour donné sans retenue pour que les hommes puissent vraiment aimer davantage la vie. Nous pouvons alors vivre notre foi comme une joie à partager. Beaucoup de gens cherchent une étoile dans leur vie et nous pouvons leur témoigner que la foi donne du goût et du courage à la vie. Si l’Évangile est un trésor de vie pour nous, nous ne pouvons pas en priver les autres. Cela n’empêche pas d’accueillir et de respecter les autres sagesses et religions. Nous ne serons jamais de trop pour chercher à faire de l’humain ensemble.