« La ville dans la nuit » : ce beau conte nous a été transmis par l’ACE. Rappelons-nous que, dans le livre de la Genèse, nous lisons que le Dieu de l’Alliance crée la lumière dès le premier jour et la sépare des ténèbres. Chaque Noël est un acte de création et de re-création de la lumière. Dans cette Alliance toujours vivante, « Dieu sauve non en supprimant la nuit ou les épreuves ; il sauve afin que, dans la nuit et les épreuves nous ne perdions pas notre humanité, notre être-vivant, la clarté posée sur chacun au commencement » (pasteur D. Hernandez). Dans la nuit, nous le sommes, … mais, c’est dans la nuit que nous voyons le mieux les étoiles ! Dans ce que nous vivons aujourd’hui, « notre premier devoir de veilleur, c’est de regarder la nuit comme elle est », comme l’écrit le dominicain Adrien Candiard. Mais il ajoute que cela « nous donne des gens à aimer davantage. »
Nous sommes tous heureux de fêter Noël, sans vraiment savoir ce qui nous attend … puisque l’incertitude est permanente et que notre espérance est mise à rude épreuve. Il y a 2 mots qui peuvent résonner plus fort que d’habitude : Fragilité et capacité de faire du neuf. Cette année, nous sentons que le climat est particulier. Nous faisons l’expérience de la fragilité de nos vies et de la fragilité de notre société … notre société développée, dit-on… avec pourtant tant d’inégalités, de fractures et d’archipels différents, chacun sur le sien, sans beaucoup de relations avec l’archipel voisin. L’une des questions les plus sérieuses pour l’avenir chez nous est sans doute celui des jeunes. Mais n’oublions pas que cette fragilité est bien plus grande dans des pays qui vont connaître une autre pandémie : celle de la faim. Alors notre capacité à faire du neuf avec les femmes et les hommes d’aujourd’hui, avec les jeunes et les enfants va-t-elle s’éteindre ? Notre capacité à réveiller la fraternité sur notre terre ne sera-t-elle que des mots ?
C’est dans la nuit du monde que Jésus vient. Sa naissance dans une mangeoire d’animaux nous parle d’abord de fragilité. Toute naissance, même au milieu de drames, peut être vécue ainsi, comme un appel à faire confiance à la vie, malgré tout. Vous avez peut-être lu dans la Croix de dimanche ce témoignage de Bintou, jeune Sénégalaise qui a fui son pays à la suite du meurtre de son mari pour des raisons politiques. Réfugiée en France, elle est victime d’un viol et accouche un jour d’un bébé : Youssouph. Enfant d’une blessure… et pourtant elle lui murmure dans sa langue : « Tu es l’enfant de Dieu. Elle ajoute : je ne lui cacherai pas d’où il vient. La vérité, même difficile, est la meilleure façon de se construire. » Espérance et volonté de construire, même au milieu de la nuit !
Au lieu d’attendre les bras croisés, les gens du conte s’exclament : « On va commencer tout de suite ! … Et tous se mettent à attendre le jour… » Et moi, comment est-ce que j’attends le jour ? Chacun d’entre nous peut se bouger pour entrer dans cette attente active. Ce sont des trésors d’imagination qui se sont déployés depuis le début du premier confinement … après une période de sidération … et cela continue, pourtant au milieu de tant de doutes et de peurs … Nos capacités à faire de neuf sont là, même quand nous en doutons. Tels ces colis de Noël que beaucoup d’entre vous ont amenés et qui, pour une soixantaine de jeunes migrants, ont été confiés mercredi à l’association qui s’appelle désormais Egide Solidarité… Je connais un enfant qui y a mis un peu de son argent de poche. Il y a aussi ces enfants qui, avec leur école, ont choisi de se séparer d’un objet pour l’offrir à un enfant mauritanien : pas un objet neuf, mais un objet auquel il tient et là-bas, ils vont lui redonner vie (jeux éducatifs, fournitures scolaires…)
Que la fraternité ne s’endorme pas : c’est une question de décision. C’est aussi une question de regard et une question de foi : « autant d’étoiles de Noël à repérer et à fêter, tant nous sommes enclins à contempler davantage la noirceur de la nuit », nous écrit notre évêque. Alors notre Noël 2020 connaîtra-t-il une manière nouvelle d’accueillir le message que Dieu nous offre chaque année ? Certains continuent de penser que toute croyance en Dieu ne peut que générer de l’obscurantisme. A nous de montrer que notre foi n’est pas cela, au contraire ! Notre foi peut être une fameuse ressource pour espérer … et aimer davantage… pourtant au milieu de la nuit, de la fragilité, de la précarité. Car nous croyons en un Dieu qui a partagé la fragilité. En Jésus, il veut nous dire qu’il ne nous sauve pas en dehors de cette fragilité, mais qu’il vient réveiller et sauver nos capacités à faire une Terre de fraternité. La foi : une ressource, parce-que c’est en Dieu et en lui seul que nous pouvons affirmer que les autres, tous les autres sont à considérer comme des frères… à commencer par ceux qui sont invisibles et pourtant si utiles à la bonne marche de notre société…. Et en continuant à être proches de ceux qui peinent plus que nous … ici … et ailleurs.
C’est dans la nuit qu’on voit le mieux les étoiles ! Que ce Noël 2020 nous donne, comme le Christ, de « regarder la nuit comme elle est ». Qu’il nous donne aussi de voir les étoiles dans la nuit ! Qu’il nous donne d’être attentifs à ces lueurs, ces visages, ces paroles qui touchent au cœur et animent notre désir du jour à venir ! Au milieu des fragilités de ce temps, qu’il réveille en nous la capacité de faire du neuf et nous donne « le désir d’aimer davantage » !
Joyeux Noël et joyeuses fêtes a tous !