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Homélie prononcée par le père Daniel Orieux au temple réformé le dimanche 23 janvier dans le cadre de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens

Je voudrais en premier lieu vous remercier de votre présence chaleureuse et active à la messe à Notre-Dame-de-Toutes-Aides dimanche dernier, ainsi que du commentaire de la parole par Caroline. Je ne sais pas trop comment se construit l’unité des chrétiens mais cela était sensible : la qualité d’écoute, la qualité des échanges à la fin de la messe témoignaient d’abord de notre désir de nous connaître, de nous rencontrer : il y avait comme une estime mutuelle déjà à l’œuvre. C’est bien le Christ ressuscité qui fait notre unité, par delà des divergences, des différences. Avec un peu d’expérience désormais, on sait reconnaître dans une assemblée, par ses silences, ses attitudes, quand il se passe quelque chose d’important. Et il s’est passé quelque chose d’important dimanche dernier.
Pour bien comprendre les lectures qui nous sont proposées ce jour il nous faudrait un bon professeur de géographie et un bon professeur d’histoire ancienne et de géopolitique. Nous allons essayer cependant sans spécialiste de comprendre la géographie de ces lectures, une géographie qui va nous amener à la théologie : un mot qui signifie tout simplement parler de Dieu. Saint Matthieu, en décrivant Jésus dans son univers géographique et social, nous parle de Dieu. Enfin, nous verrons si nous n’avons pas quelque chose à en tirer sur l’Église, sa mission, son unité

1 – Un parcours historique et géographique.

Zabulon et Nephtali. Si nous avions une carte sous les yeux, nous verrions que les territoires de Zabulon et de Nephtali se situent. dans la Jordanie actuelle qui s’appelait alors la Transjordanie car elle était de l’autre côté du Jourdain, à l’Est de Jérusalem. Ces territoires recouvrent également la Galilée, région du Nord de l’État d’Israël actuel, qui fait zone tampon avec le Liban. C’est là que se trouvent les villes de Nazareth, Capharnaüm, c’est là qu’est le Lac de Tibériade que traverse le Jourdain. Ces territoires recouvrent ce qui s’appelait aussi autrefois la route de la mer, c’est à dire la grande voie de communication antique qui longeait la Méditerranée depuis la Turquie actuelle en passant par le Liban pour aboutir en Égypte en passant par la très ancienne ville de Gaza, trop souvent sous les feux de l’actualité. Et le feu tout court, d’ailleurs.
Et Madiane ? Ce nom, les catholiques l’entendent tous les ans d’une oreille intriguée dans la Nuit de Noël. Madiane, c’était un peuple païen qui, dans une courte période de l’histoire du Peuple de Dieu, a occupé les territoires de Zabulon et de Nephtali. Et cela est resté dans la mémoire comme une période très sombre. C’était à l’époque des Juges, bien avant l’instauration de la Royauté en Israël. Les territoires de Zabulon et de Nephtali ont été libérés de l’asservissement de Madiane par Gédéon, dont l’histoire est racontée dans la Bible au livre des Juges. La périodes des Juges qui précède l’établissement de la royauté avec David et Salomon se situe plus de 1000 avant Jésus.

2 – Une géographie à caractère théologique.

Voilà pour le parcours géographique et historique. Pourquoi s’y attarder ? Parce que cette géographie ne sert que de prétexte à l’évangéliste Matthieu pour délivrer sa catéchèse sur Jésus. Un Évangile est un livre de catéchèse, un enseignement qui veut présenter aux Juifs, dans le cas de Matthieu, la figure de Jésus et délivrer un message de foi : ce Jésus que vous avez crucifié, Dieu l’a ressuscité, c’est lui le Messie, le Sauveur.
Jésus, dit Matthieu, se retire en Galilée, il quitte Nazareth, s’installe à Capharnaüm sur les bords du Lac, dans les territoires de Zabulon et de Nephtali.
Tiens, un mot sur Capharnaüm. Vous connaissez l’expression : quel capharnaüm ! C’est à dire quel bazar, pour être poli. Il ne faut pas aller chercher plus loin sur la signification de cette expression. Capharnaüm en Galilée était à l’époque de Jésus une ville traversée par des quantités de gens de toutes les nations car elle était située sur la route qui va de Damas à l’Égypte. C’était donc un carrefour des nations, comme dit Matthieu. C’était donc, en territoire Juif, un lieu de passage, de commerce : toutes les idées s’échangeaient. Vu de Jérusalem, la capitale, c’était un territoire impur : la foi juive, le Dieu unique ne pouvait pas y être vénéré de la même manière qu’à Jérusalem. Plusieurs fois Jésus a été traité de Galiléen c’est à dire méprisé, il parlait avec un accent, un provincial quoi.
Le peuple qui habitait les ténèbres a vu se lever une grande lumière. Comment la géographie et l’histoire nous conduisent à la théologie et à la foi.
En venant habiter à Capharnaüm, Jésus vient se placer au carrefour des Nations. Il commence sa mission là où ça remue, contrairement à Jean-Baptiste qui exerçait plutôt dans le désert. En venant habiter à Capharnaüm, Jésus vient habiter là où ça remue. Pas chez les intégristes ni les puristes. Il vient habiter là où dans la mémoire collective des Juifs s’est levée l’ombre de Madiane. Matthieu présente Jésus comme accomplissant la prophétie d’Isaïe : le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière. Jésus, dans son déplacement géographique, signifie déjà la mission que Dieu lui donne : habiter au cœur du monde, se faire chair là où sont les débats, les conflits, les échanges, en plein pâte humaine. Il vient habiter le pays de l’ombre pour y faire resplendir la lumière d’une espérance et d’un sens, d’une organisation à tout ce bazar. Il vient au cœur du chaos organiser les choses à la manière de Dieu, par amour, exactement comme il est écrit dans le livre de la Genèse, à la création du monde : au commencement la terre était informe et vide, c’était le chaos. Dieu dit que la lumière soit, la lumière fut. L’acte de création de Dieu est un acte d’organisation, de communication, de vivre ensemble. Telle est l’œuvre de Jésus lorsqu’il se présente au début de sa mission. Telle sera donc la mission de l’Église à naître, dans un monde troublé. L’Église n’aura pas peur du monde, ni du chaos, ni des forces de mort : elle est le Christ qui brille au milieu des ténèbres.

3 – La naissance de l’Église autour d’un même appel.

Et justement, après la description géographique et historique, toute empreinte de théologie, de l’établissement de Jésus en Galilée, Matthieu nous présente la manière dont il va organiser son Église au sein d’un monde de ténèbres. Comme Dieu donnant naissance à Adam et Ève, il appelle, et sa parole crée du neuf, à sa parole des hommes se lèvent : Simon, André, Jacques, Jean. Un peuple nouveau est en train de naître dont la vocation est d’effacer les ténèbres, toute les humiliations, tous les asservissements, pour que le monde ne retourne pas aux chaos ni aux ténèbres du joug de Madiane, nulle part, et plus jamais. « Plus jamais la guerre ! » s’était écrié le Pape Paul VI aux Nations Unies en référence aux grandes terreurs du XXème siècle. Que de chemin ne nous reste-t-il à parcourir ! Mais il n’y a pas que dans le monde que règnent l’ombre de la mort. Il y aussi dans le fond des cœurs. C’est dans le fond des cœurs que la lumière de Dieu se lève lorsque Jésus est proclamé Sauveur du monde.
Le premier mot du premier ministère de Jésus sera : convertissez-vous. Il se situe là dans la lignée de Jean Baptiste. Se convertir ne veut pas dire d’abord changer de religion. Se convertir veut dire opérer dans son cœur un tournant irréversible, c’est commencer à remonter la pente des ténèbres pour se laisser illuminer de la lumière de Dieu. C’est une expérience intime que l’Évangile nous presse de vivre. C’est une expérience collective et communautaire pour devenir capable d’être ce à quoi Dieu nous appelle : des pêcheurs d’hommes.

N’avons nous pas là suffisamment de quoi trouver notre unité ? Entre protestants, entre catholiques, entre protestants et catholiques etc.
La lettre de Paul aux Corinthiens qui invite les chrétiens à l’unité distingue deux choses intéressantes que je vous livre en conclusion. Saint Paul dit qu’il n’est pas venu baptiser mais annoncer l’Évangile.
Baptiser : introduire dans la communauté des pêcheurs d’hommes. Devenir devant Dieu et avec ses frères de baptêmes responsables de la lumière et de la vie du monde.
Annoncer l’Évangile. Parfois chez nous on parle défrichage : permettre que la Parole soit entendue, quel que soit le moyen, par ceux qui ne la connaissent pas.
Baptiser et annoncer l’Évangile. Annoncer l’Évangile et baptiser. Voilà les deux versants d’une même réponse à l’appel de Dieu. Là peut-être est l’unité de l’Église.
Comme Jésus qui retourne en Galilée, osons retourner au berceau de nos origines, osons retourner à notre baptême pour devenir un peuple ardent à faire le bien, capable de dire dans la langue d’aujourd’hui les merveilles de celui qui nous a appelés des ténèbres à son admirable lumière.


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