Homélie pour la fête de rentrée paroissiale salle de l’ASTA 4 octobre 2009
C’est bien pour une fête de famille comme la nôtre, ce matin, d’entendre ces paroles : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul !» Seul, l’homme n’est pas complet : « L’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme ». Se rassembler en communauté, c’est important, à l’image du couple humain.
Nous sommes faits pour vivre en alliance. Voilà de quelle manière pourrait être résumées ces pages de la Bible. Au commencement Dieu dit : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul ». Ce qui est dit du couple humain peut être bien sûr étendu à tous et à notre communauté chrétienne qui se rassemble pour la fête. En nous déplaçant ici ce matin nous marquons notre désir de nous reconnaître, une seule communauté, diversifiée. Sans doute la démarche de se retrouver tous ensemble est-elle plus facile à faire maintenant que les habitudes ont un peu été prises. Voilà déjà plusieurs années que des changements ont eu lieu qui ont regroupé quatre paroisses en une seule. Avant de partir du diocèse, Mgr Soubrier a demandé à chaque paroisse de faire le bilan du remodelage : qu’est-ce qu’il a permis, qu’est-ce qu’il a empêché. Ce bilan a été fait. On peut retenir ceci : regroupés, nous sommes devenus plus forts, plus visibles. La diversité des communautés n’a pas disparu, le cachet de chaque église, avec son histoire, ses histoire, est demeuré, mais les gens ont appris à travailler ensemble et ils sont devenus plus forts.
Nous avons fait alliance et cette unité qui se constitue dans la diversité est une force. Mieux, plus fort : elle est un signe. Elle devient un signe pour nos quartiers : notre foi en Dieu nous fait nous unir et prendre forme. Dieu nous a modelés et nous sommes devenus un peu plus à son image : unité dans la diversité.
Mais aucune alliance ne se fait sans douleur. Le couple humain subit des tempêtes et parfois des tornades, à l’image des couples humains d’aujourd’hui, à l’image de chacun de nous : nous sommes éprouvés dans la fidélité à nos engagements quels qu’ils soient. La Parole de Dieu l’atteste : il a fallu légiférer, faire des lois, sur les divorces, les séparations. Et c’est le sujet qui occupe Jésus et ses disciples : est-il permis de renvoyer sa femme ? et Jésus rappelle que l’unité dans la diversité voulue par Dieu, son projet d’origine, s’est trouvée confrontée à la liberté humaine : l’endurcissement du cœur provoque des déchirures. Mais au commencement il n’en était pas ainsi. Par delà la Loi de Moïse, Jésus rappelle le projet de Dieu, l’acte de création, l’amour de l’homme et de la femme si bien chanté dans le Livre du Cantique des Cantiques : Viens ma toute belle, viens dans mon jardin, l’hiver s’en est allé et les arbres en fleurs exhalent leur parfum. Toute alliance vit des hivers. Et nous sommes tous renvoyés à nos hivers, nos ruptures d’alliance. La Parole ce matin se fait miroir pour chacun de nous. Elle met des mots sur nos maux et ouvre une espérance : quelles que soient les ruptures, les péchés, les délabrements de mon existence, je me souviens qu’au commencement il n’en n’était pas ainsi et donc qu’une porte s’ouvre à l’écoute de cette Parole pour retrouver le chemin de l’alliance. Il n’y a pas de fatalité aux ruptures. Tous, toutes, nous sommes invités à la vie, à l’alliance, dès aujourd’hui. Et c’est vrai pour notre communauté chrétienne. Je vous rappelle que nous avons vécu cela dans une grande joie lors de la fête de la réconciliation au Carême dernier : Dieu en recréant chacun de nous a recréé notre communauté chrétienne.
Nous sommes invités à ne pas briser ce que Dieu unit. Le rejet de l’autre est rejeté par Dieu. Le rejet de l’homme différent : migrant, sans papier, Rom ou gens du voyage, pauvre. L’Évangile de ce jour, vous l’avez remarqué, groupe le rejet de la femme et le rejet de l’enfant. Jésus dit : « Ce que Dieu a uni que l’homme ne le sépare pas ». Il dit aussi : « Laissez venir les enfants, ne les empêchez pas ». Ce que Dieu veut, c’est qu’il y ait des liens entre les gens. Que tous puissent être intégrés.
À ceci on reconnaîtra une communauté chrétienne : à l’accueil qu’elle fera de tous les souffrants qui sont autour d’elle, tous ceux qui ont vécu, qui vivent des déchirures multiples, des rejets multiples à cause de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur origine ethnique, de leur condition économique. Le chômage comme le divorce sont des brisures. On reconnaîtra une communauté chrétienne à l’attention qu’elle portera à ses souffrants. C’est pour cela que nous sommes regroupés et nous avons besoin de toutes nos forces : Il y a ici des personnes nombreuses qui appartiennent à des groupes nombreux. Personne ne peut travailler dans son coin ou dans sa chapelle. Nous serons des signes de l’alliance de Dieu avec l’homme si nous sommes identifiés comme membres de cette communauté de l’alliance. C’est l’Eucharistie qui fait cette alliance, jour après jour, semaine après semaine. C’est notre attachement à la prière communautaire qui rendra fort chacun de nous dans son combat contre toute exclusion et toute rupture. Nous avons à apprendre les uns des autres. Nos réseaux doivent se croiser. Nos traditions doivent se croiser.
Aujourd’hui, le signe de l’alliance, ce sera les enfants au milieu de nous : ils sont partis pour découvrir ensemble la Parole de Dieu, ils vont revenir pour nous rappeler à la suite de Jésus que le Royaume des Cieux est à ceux qui leur ressemblent. Ils représentent au milieu de nous la fragilité du projet de Dieu, mais aussi toute son audace : Tout est possible à celui qui croit.
Daniel Orieux