Chaque année la fête de l’Assomption nous rassemble, nous catholiques, pour marquer notre attachement à la Vierge Marie et reconnaître la mission que Dieu lui a donnée dans l’histoire du Salut. Elle a dit oui à Dieu, un oui sans réserve, une disponibilité totale. La fête de l’Assomption est une vision de l’avenir avec le Christ : une vision claire de ce à quoi nous sommes destinés en nous unissant au oui de Marie. Cette vision est tout entière contenue dans le Magnificat. C’est un chant d’action de grâce pour l’œuvre que Dieu réalise en Jésus : le renouvellement de notre monde dans la justice et la paix. Un chant qui la célèbre la puissance de Dieu face aux puissants de la terre. Un chant qui soulève l’espérance des humbles. Marie, première chrétienne, entre la première dans l’accomplissement du projet de Dieu. La vision de l’Assomption est clairement un appel à suivre le Christ et à choisir le monde dans lequel nous voulons vivre.
Depuis plusieurs années on assiste à l’approche du 15 août à une recrudescence d’appels à prier pour la France, en souvenir du vœu de Louis XIII qui avait consacré la France à la Vierge Marie. Cette année cet appel a retenu mon attention car il émane de Mgr Pontier, archevêque de Marseille et président de la conférence des évêques de France. Il s’inscrit dans un contexte d’attentats, de terrorisme, de méfiance et de peur. Cependant, que signifie prier pour la France ? Pour quoi je vais prier ? Pour qui dois-je prier ?
Si je prie pour la France, j’essaie de la contempler telle qu’elle est et telle que Dieu l’aime. Telle la vision de l’Apocalypse qui célèbre dans un langage haut en couleur le but de notre foi, l’accomplissement en Dieu de notre humanité, telle j’essaie de voir la France dans le désir de Dieu. C’est une vision partielle en ce jour d’Assomption, au regard de notre France telle que nous la connaissons.
Elle est un pays d’Europe. D’aussi loin qu’on regarde en arrière, l’Europe est sa matrice. Le christianisme a largement contribué à façonner l’Europe. Il lui a donné une unité. Je prie pour que la France soit toujours ancrée solidement en Europe, par des liens de convivialité, par des liens culturels, par des liens économiques, par des liens politiques. La France en Europe, c’est la paix, tandis que le dragon de l’Apocalypse me siffle à l’oreille que la France devrait se replier sur elle-même. Ce serait la guerre. Que le Seigneur, par l’intercession de Marie, garde la France ouverte sur l’Europe et le monde.
La France est un pays riche, très riche. Il y a de l’argent en veux-tu en voilà. Mais tout le monde n’en profite pas. Il y a les salaires colossaux, qui font tourner la tête, de certains dirigeants d’entreprises, directeurs sportifs ou sportifs tout simplement. Il y a ceux que je vois dans la rue sans domicile. Il y a tellement de jeunes qui n’ont pas de travail, et aussi de plus âgés. Je prie pour que la France soit à la hauteur de sa devise d’égalité et pour que les biens dont nous jouissons soient partagés par tous.
La France, nous dit-on sans arrêt, possède une longue tradition d’accueil. Je prie pour que le cœur des Français se laisse toucher par la misère du monde et qu’il se tourne vers les artisans de paix. Qu’il tourne le dos au dragon de l’Apocalypse qui distille la haine des inconnus, des étrangers, la haine de l’autre qui m’empêcherait d’être moi. Je regarde les Français tels que Dieu les aime : dans leur diversité, dans leur tradition d’accueil, dans leur modération, dans leur intelligence du cœur, dans leur force à résister à la violence et au mal, dans leur recherche de la vérité.
La France, c’est son gouvernement. Dès le Nouveau Testament, les chrétiens ont été invités à prier pour leurs gouvernants et déjà le Christ, en recommandant de rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu, nous a appris à vivre en citoyens d’un pays sans jamais perdre de vue que nous sommes citoyens du Ciel. Je vois une France d’élus dévoués à son service. Qu’ils travaillent à construire la paix par-delà les divergences de vue. Qu’ils ne cherchent pas tant leurs intérêts ou leur réélection que le bien des hommes et des femmes de notre pays. Qu’ils sachent être libres vis-à-vis de l’opinion publique. Qu’ils ne soient pas à la remorque des Français, mais qu’ils les conduisent, qu’ils leur indiquent un chemin, qu’ils leur donnent des raisons d’espérer.
La France, c’est une multiplicité de croyants. Des chrétiens de différentes confessions, des musulmans, des juifs, des adeptes de religions orientales telles le bouddhisme. Je vois la France des croyants communiquer, apprendre à se connaître, tels Scouts de France et Scouts musulmans réunis ces jours-ci à Jambville. Je vois les croyants français donner sens à la vie des gens de ce pays. Je les vois les aider à retrouver confiance, je les vois devenir des témoins : il n’y a pas d’avenir en ce monde en l’absence de Dieu. Je vois les croyants français porter vers Dieu le merci de tous pour la vie, pour le monde, pour l’univers, pour la joie des enfants et le sourire des vieillards. Je vois les croyants aider les Français à dire merci, avant « je veux ».
Je vous laisse ajouter vos rêves de paix et de bonheur pour la France. J’ai essayé d’imaginer la France dans le cœur de Dieu mais je suis limité. Nous tous nous pouvons porter vers Dieu la totalité de ce que nous désirons pour la France. Mais tout ce que je viens de dire, et tout ce que vous-mêmes vous portez, doit être passé au feu purificateur de l’amour. Marie a chanté le Royaume de Dieu tel que le Christ l’a inauguré sur terre. Relisez le Magnificat, le chant de Marie, tout ce que Dieu désire pour nous est dans ces paroles fantastiques. Son contenu est l’Évangile même qui nous tient à l’écart de tout extrême, de toute haine. Le feu purificateur de l’amour, c’est entendre l’appel puissant de Dieu à la suite de Marie : rien ne se fera sans toi, sans ta vie donnée par amour. Avec Marie, il est temps pour nous de retrouver la direction à suivre : le Royaume de Dieu et sa justice.
Daniel Orieux