Finances

Nos frères migrants au presbytère Saint Médard

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Dans le courant du mois de mars, nous avons vu l’échec d’un protocole d’accord qui devait être signé par cinq parties en dialogue depuis de longs mois : Mairie, préfecture, associations de soutien, diocèse et représentants des personnes migrantes.

54 places devaient être offertes aux migrants, selon leur statut (réfugiés, demandeurs d’asile…). L’évacuation du presbytère devait avoir lieu en même temps que le placement de 54 personnes. Il serait inévitablement resté des personnes, mises donc à la rue. Des membres d’associations ont refusé cela, et en particulier que les personnes restantes soient accueillies dans le squat de Chantenay.

La mairie de Nantes, sans que j’en aie confirmation écrite, devait s’engager par la suite à une restructuration du presbytère par des travaux à hauteur de 350 000 euros. Ces travaux auraient été confiés à l’association « Habitat et Humanisme », spécialisée dans ce genre d’opération. Il avait été question que « Habitat et Humanisme » aurait un siège dans les futurs locaux, que la paroisse bénéficierait d’une salle de réunion, et que des logements seraient affectés à des déboutés du droit d’asile. Cette structure accueillant des déboutés du droit d’asile serait gérée par « l’Accueil d’Abord », association œcuménique (fondée par des chrétiens protestants, orthodoxes et catholiques). Le Conseil Général, sans que nous en ayons confirmation non plus, aurait octroyé 18 000 euros par an pour le fonctionnement de cette structure. J’insiste sur le fait que les objectifs de « L’accueil d’abord » sont d’accueillir des déboutés, des personnes n’ayant plus aucun droit en France. Ce sont donc des personnes sans perspective à court terme, des personnes parmi les plus démunies.

Au sein du collectif d’associations des divergences se sont fait sentir. Notre interlocuteur privilégié, qui au nom du collectif avait été très loin dans les négociations, en vue d’un aboutissement, a dû abandonner parce que ne bénéficiant plus du soutien de tous les membres du collectif. C’est une épreuve très rude pour lui, et pour nous qui avons perdu un interlocuteur et un négociateur d’une très grande qualité. L’investissement de Xavier Brunier, diacre délégué épiscopal à la solidarité, a été remarquable tout au long des négociations ainsi que les interventions de Jacques Bouron, président du Secours Catholique de Loire-Atlantique.

L’échec est cuisant. Il n’y a plus de perspective. Les personnes migrantes à Doulon vivent dans la précarité, relativisée par une bonne organisation interne. Les besoins essentiels (toit, nourriture, sanitaire) sont assurés. La plupart des personnes arrivées en 2014 sont parties. De nouvelles personnes arrivent conti-nuellement si bien qu’il est difficile de suivre l’évolution des habitants du presbytère.

Au point où nous en sommes et à la relecture des événements il serait facile de rejeter les responsabilités de l’échec sur quelques membres d’associations. De fait, une radicalisation s’est produite et les voix modérées se sont éteintes. On a vu ressurgir des discours extrêmes, notamment d’intolérance et de sectarisme vis-à-vis des chrétiens.

Certains membres d’associations ont tenu des discours ambigus, puisque le collectif d’associations a été associé jusqu’au bout à la rédaction des textes devant aboutir à un accord.

Cet accord malgré ses faiblesses aurait dû être signé. Je tiens à souligner cependant que l’ensemble du travail des associations et des habitants du quartier pour l’accueil des migrants est un exemple que tous les chrétiens peuvent méditer. Ce sont les associations qui, les premières, et parce qu’elles y travaillent depuis longtemps, ont pris en charge la venue des migrants. Elles ont accompli un service, le service du frère, auquel l’Evangile, sans cesse, nous presse.

La situation que nous connaissons maintenant est le résultat d’une volonté très claire des responsables municipaux et des responsables de l’État : la question cruciale que nous posent les migrations pour cause de drames humanitaires en d’autres endroits de la planète est ignorée volontairement.

Le refus d’accueillir migrants et réfugiés est un fait, en contradiction avec bien des déclarations.

Nous pouvons être témoins, sur le territoire de notre paroisse, que d’autres populations sont traitées de la même manière : Gens du Voyage, Roms.

On peut partager cette politique ou pas. En tant que responsable chrétien de cette paroisse, et fort des paroles extrêmement claires du pape François sur cette question, j’exprime mon désaccord avec la manière dont élus et représentants de l’Etat se désengagent des responsabilités humanitaires qui sont les leurs.

J’ai déjà écrit que cela nous mettait en position extrêmement délicate, nous, chrétiens et associations, mais surtout personnes migrantes arrivant chez nous. Le manque de courage des responsables politiques sur ces questions essentielles conduit l’ensemble de la société vers des durcissements, et à terme, des conflits.

Ces questions ont été évoquées en Equipe d’Animation Paroissiale. Nous cherchons des moyens de faire avancer la situation. Nous n’avons pas la solution.

Je lance un appel à toutes les bonnes volontés pour faire pression, efficace, non-violente, sur les responsables élus par le peuple, pour qu’ils prennent leurs responsabilités. Il est nécessaire de créer à Nantes un lieu pour accueillir migrants et réfugiés. Nous serons à leur côté pour coopérer, mais nous ne pouvons pas nous substituer à la fonction politique, essentielle à la vie de notre société, dont ils ont reçu le mandat.

  • Daniel Orieux,
  • curé de Sainte-Marie de Doulon,
  • juin 2016

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