En ce moment, les médias parlent beaucoup de la surpopulation carcérale : 140 % de taux d’occupation, si j’ai bien entendu. Patrick, le diacre aumônier de la maison d’arrêt de Nantes, disait au dernier « Comité Vigilance et Solidarité » du diocèse, qu’il y avait plus de mille détenus pour cinq cents places : trois par cellule, voire, quatre ou cinq. Nous n’avons pas de peine à imaginer les conditions de vie de ces personnes.
Vous avez sans doute vu (ou vous les verrez, quand l’église Saint-Médard sera rouverte), les tableaux de Pierre Bouchaud, installés dans l’ancienne maison d’arrêt de Nantes (voir ici). Ces tableaux me font penser à la situation de toutes ces personnes, enfermées dans des conditions quasiment inhumaines. Je trouve qu’ils illustrent bien ce qu’il peut se passer quand un être humain, après un temps de réparation, décide de changer de vie, pour passer du remords au pardon.
Du remords au repentir.
Le premier tableau nous montre un homme, recroquevillé sur le banc de sa cellule, tournant le dos à une fenêtre où l’on aperçoit une famille à table. Cette attitude évoque le sentiment d’échec face à un avenir bouché. Le remords retourne l’être humain sur lui-même, et engendre le désespoir et le dégoût de soi-même car il est incapable de se libérer de ses propres actes. Le repentir ou la contrition, retourne la personne en Dieu, ce Dieu qui est fidèle à la promesse qu’il a engagée envers tous dans l’alliance. Nous, humains, nous pouvons (car nous sommes libres), être infidèles à la proposition d’alliance de Dieu. Lui, reste fidèle, il ne renonce jamais à sa quête d’amour, à la recherche de notre vérité profonde. Le repentir nous introduit dans le mouvement de vie, dans l’amour vivant de Dieu qui nous ouvre un avenir malgré nos trahisons. Il nous reste d’accepter de prendre la route avec lui.
Du passé au devenir.
Tout être humain se réalise à travers l’idéal qu’il porte en lui, ce qu’on appelle aussi vocation. Mais la vocation, ça n’est pas quelque chose qu’on a ou qu’on n’a pas. La vocation, en fait, c’est la en main, la mise en exercice de ma liberté : se conquérir soi, s’inventer soi-même, décider d’assumer ce qu’on subit, dominer une situation qui me tient en esclavage. C’est la conversion : une volonté « d’être plus », pour devenir « ce que je veux être, ce que je dois être ». Alors, bien sûr, la conversion demande des ruptures, mais des ruptures qui en fait libèrent de toutes les formes d’aliénation. « Oublier ce qui est en arrière », ce n’est pas renier sa vie. C’est refuser de faire de son « passé », le barrage de son « devenir ». C’est dans l’idéal, ce que devrait permettre la prison pour quelqu’un qui a commis un acte répréhensible : « faire sa peine, pour passer à autre chose », faire table rase de ses erreurs, pour se donner un avenir. C’est une période de privations, de repli, pour évacuer les scories de ses actes passés. Malheureusement, compte tenu des conditions que subissent actuellement les prisonniers, cette période de privation risque faire plus de mal que de bien.
De l’oubli au pardon
C’est l’étape qu’illustre principalement le deuxième tableau : la réconciliation avec celui qu’on a offensé, mais aussi la réconciliation avec soi-même. Le mot essentiel de l’Évangile, c’est « pardon ». Le pardon de Dieu est toujours premier. Nous n’avons pas à le mériter. Nous n’avons même pas besoin de regretter. Le pardon est là. Il nous attend. Et c’est ça le scandale de l’Évangile. Mais cela ne veut pas dire que Dieu ne prend pas au sérieux ce que nous faisons. Si pardonner c’était oublier, alors on pourrait dire que Dieu est complètement amnésique, car il oublierait que les hommes ont crucifié son Fils ! Mais le pardon, c’est le signe de l’inimaginable créativité de Dieu qui est capable de saisir ce que nous avons fait, pour le rendre fécond. Alors, ne prétextons pas que nous n’arrivons pas à oublier, pour éviter de pardonner. Au fond, tout est possible, par Jésus le Christ, notre Sauveur…
Jean-Yves Lecamp.