Finances

Un avenir pour l’Église ?

Nous sentons bien que nous sommes à un moment décisif de la vie de notre Église… La démarche du synode nous a permis de commencer à en parler. Notre évêque nous en a rendu compte à la Pentecôte. Nous aurons maintenant à continuer sur le terrain. Des moments décisifs, il y en a toujours eu. Des moments où nous sentons que nous ne sommes plus dans le même monde qu’il y a vingt ou trente ans… que les mentalités ont beaucoup évolué, les rapports à la vie, à la recherche du bonheur, la manière de vivre en société, le rapport au travail… le rapport à la foi ou à ces diverses manières de croire à la vie en croyant ou non en Dieu, etc… Cela peut être ressenti comme une épreuve… mais aussi comme une chance de nous renouveler, de nous questionner, de choisir de vivre autrement sa foi… chacune, chacun… et ensemble. Toute crise est à prendre comme une chance. Nous sommes devant un choix… soit nous retirer, soit vivre sa foi dans son coin, soit chercher à revenir à des pratiques anciennes… quitte à nous refermer entre nous comme dans une secte… soit affronter ensemble la réalité et inventer de nouvelles manières de faire Église… sans oublier que la première invitation est pour chacun : demeurer dans l’amour du Christ et toujours approfondir cette relation en laissant l’Esprit-Saint agir… celui qui nous fait « nous souvenir des paroles et des actes du Christ ».

Nous avons lu il y a quelques dimanches dans les Actes des Apôtres le récit du premier moment où l’Église a tangué et a dû réfléchir : rester entre chrétiens d’origine juive ou accueillir vraiment ces nouveaux chrétiens qu’on appelait auparavant ‘païens’… et, si oui, à quelles conditions et à quel prix ? Nous sommes à peu près vingt ans après la mort-résurrection de Jésus. Pierre avait beaucoup traîné les pieds, mais il avait consenti à une première ouverture en répondant à l’appel d’un païen du nom de Corneille (Ac 10). Mais c’est Paul qui avait continué en se tournant résolument « vers les nations païennes. » (Ac 13, 46). Oui, mais comment : et c’est le grand tournant qui s’amorce. C’est le début du conflit. Il faut alors se réunir… Ce sera la première assemblée de Jérusalem : ils font synode. Ils s’écoutent, ils prient, ils font silence … et ils décident : ne pas imposer des pratiques juives qui finalement ne sont pas essentielles maintenant (comme la circoncision), mener une vie droite et éviter les ambiguïtés avec les religions païennes dont ils viennent. Paul a sûrement eu une influence prépondérante pour cet accueil des anciens païens et il pourra écrire ensuite : « Il n’y a plus ni juif ni grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus l’homme et la femme, car tous, vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus. » (Ga 3, 28).

Dans un livre récent, Olivier Boulnois, philosophe, écrit ceci : « Saint Paul, c’est le contraire du repli identitaire ». Avec lui, cette première assemblée de Jérusalem ouvre grand les portes de l’Église à tous ceux qui cherchent à suivre le Christ et son Évangile… Cette nouvelle sagesse ne peut qu’avoir des impacts sur la manière de vivre en société, souligne le même philosophe… une manière nouvelle qui abat les cloisons, qui cherche à bâtir la justice sur la base même d’une fraternité nouvelle en Dieu, Père de tous… Ne croyez-vous pas que cela donne une direction à l’histoire humaine, que cela peut inspirer des actes courageux encore aujourd’hui et que c’est ce témoignage que nous avons à donner en actes … sachant pour notre part qu’il s’enracine dans la Mort-Résurrection du Christ : il a donné sa vie pour tous, « pour nous et pour la multitude » comme nous le disons à chaque messe. C’est de notre responsabilité de porter ce message aujourd’hui dans notre société fragmentée.

Je repense à ces cinq rencontres que j’ai vécues depuis février à l’initiative du groupe diocésain S’accueillir. Si ces lieux de parole pour des personnes homosexuelles et leurs familles n’existaient pas, il manquerait quelque chose dans l’Église. Elles ont besoin de partager leur chemin, de déposer parfois des choses très lourdes, de s’encourager les unes les autres, de ressentir un véritable accueil. Je pense aussi à ce dont nous sommes témoins au Pôle Solidarité : cette volonté de vivre que manifestent des gens autour de nous au milieu de parcours souvent très douloureux. Ils sollicitent notre aide pour vaincre l’isolement ou pour des démarches. Nous faisons tout pour qu’ils grandissent en autonomie …Et souvent nous sommes touchés de ce qu’ils nous rendent comme amitié, comme joie de commencer à s’en sortir. Notre Pôle a participé à un témoignage lors des Assises des nouvelles solidarités de la ville de Nantes. Nous sommes attendus là aussi… ou alors l’Évangile ne serait que des mots ! Cet Évangile nous fait rencontrer autrement les autres souvent différents de nous. Nous n’avons pas à nous refermer entre nous comme dans une secte … mais à affronter ensemble la réalité et inventer de nouvelles manières de faire Église en nous risquant à cette ouverture à nos contemporains. Nous n’avons à rougir de rien, d’autant que cet Évangile ne nous appartient pas ! En parlant de Jésus, Pierre en a témoigné ainsi devant Corneille : « Il passait en faisant le bien » (Actes 10, 38).

(extraits de l’homélie du dimanche 22 mai)


Publié

dans

Aller au contenu principal