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Un dieu qui nous tente ou un Dieu qui nous soutient dans l’épreuve ?

En France, à partir du dimanche 3 décembre 2017, la formulation du Notre Père change ! A la place de « ne nous soumets pas à la tentation », nous dirons : « ne nous laisse pas entrer en tentation » .

Le texte original du Notre Père est en grec. La traduction que nous utilisons actuellement date de 1966. Elle a été écrite dans l’élan de la réforme liturgique du concile Vatican II. La sixième demande comporte une difficulté de compréhension. En disant « ne nous soumets pas à la tentation », nous pouvons entendre que Dieu pourrait nous soumettre à la tentation, nous éprouver en nous sollicitant au mal. Ce n’est pas là la foi chrétienne. Le mot grec veut d’abord dire « épreuve », alors que pour nous le mot tentation évoque l’attrait du péché. Cette connotation moralisante n’apparaît pas dans la Bible. La tentation, l’épreuve, c’est toujours l’épreuve de la foi. Dans l’Ancien comme dans le Nouveau Testament, l’épreuve est le moment où s’ouvre la possibilité de douter de Dieu ou de l’accuser. Le peuple hébreu à l’épreuve dans le désert est le premier tenté : après avoir été libéré d’Égypte, il se prend à douter de Dieu. Le texte de l’Exode rapporte que Dieu a dit à son peuple : « Ne me mettez pas à l’épreuve » (voir aussi le psaume 95, 8-9.)

La nouvelle traduction – « ne nous laisse pas entrer en tentation » – écarte l’idée que Dieu lui-même pourrait nous soumettre à la tentation. Le verbe « entrer », avec son dynamisme, reprend l’idée d’un mouvement, comme on part au combat. Or, c’est bien d’un combat qu’il s’agit : le combat spirituel. On voit dans les évangiles que Jésus lui-même est sujet à des tentations. Il les connaîtra toute sa vie. Au jardin de Gethsémani, Jésus demande à ses disciples de veiller et de prier  » pour ne pas entrer en épreuve » , c’est-à-dire pour que leur foi ne chancelle pas. Lui-même prie : « Père, s’il est possible que cette coupe passe loin de moi » ( Marc 14,36-38). Alors, dire  » ne nous nous laisse pas entrer en tentation », c’est demander à Dieu :  » Ne nous laisse pas douter de toi. »

Il nous faut sans cesse nous interroger sur les images que nous nous faisons de Dieu. Qui est Dieu pour moi ? Est-ce un Dieu méchant, qui cherche à me faire tomber ? Ce n’est pas le Dieu que présente la Bible. Mais ce sont toutes les situations qui peuvent nous amener à douter, et à nous demander pourquoi, si Dieu est tout-puissant, tel ou tel malheur m’arrive, ce qui est très humain. Mais j’aime revenir à la lettre de Jacques : elle parle de chrétiens persécutés, qui doivent faire preuve de persévérance; un mot revient sous sa plume : « Dans l’épreuve de la tentation, que personne ne dise :  » Ma tentation vient de Dieu » , Dieu, en effet, ne peut être tenté de faire le mal, et lui-même ne tente personne » (Jc 1, 13).

La prière du Notre Père est un appel à être soutenu dans sa foi. Les tentations existent, nous le savons tous. Le Christ les a connues. Jusque sur la croix, il y a résisté et Dieu l’a ressuscité. Nous, nous demandons aussi d’y résister. Nous n’y arrivons pas toujours. Mais nous pouvons prier pour en sortir pas trop « cabossés » et, ainsi, de grandir en humanité. Dieu nous appelle à la vie !

D’après une interview d’Odile Flichy, bibliste et enseignante au Centre Sèvres à Paris.


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