Je suis toujours frappé, époustouflé même, de voir que, d’après l’apôtre Matthieu, Jésus s’adresse aux foules pour la première fois en leur parlant du bonheur. Le Dieu dont il vient témoigner – et il sait de qui il parle, lui ! – est un Dieu compromis avec la recherche de bonheur des femmes et des hommes de tout temps.
Aujourd’hui s’entrechoquent des images de Dieu tellement diverses, mais ce n’est pas nouveau ! C’était bien le débat autour du Christ et c’est au nom d’une certaine image de Dieu que les autorités juives ont condamné Celui qui proclamait : « Heureux, vous les pauvres, les ouvriers de paix, les artisans de justice : le Royaume de Dieu est à vous ! »
Quelles images de Dieu présentent les religions du monde ? Différentes, certes. Mais quand elles essaient de parler ensemble et de regarder en face les défis de notre planète, il y a de beaux dialogues. Le 21 septembre, 450 responsables religieux du monde entier étaient réunis à Assise avec le pape François et ils ont affirmé : « Voilà l’esprit qui nous anime : réaliser la rencontre dans le dialogue, s’opposer à toute forme de violence et d’abus de la religion pour justifier la guerre et le terrorisme. Pourtant, au cours des années passées, de nombreux peuples ont encore été douloureusement blessés par la guerre. On n’a toujours pas compris que la guerre détériore le monde, laissant un héritage de douleurs et de haines. Tous, avec la guerre, sont des perdants, même les vainqueurs. Nous avons adressé notre prière à Dieu, afin qu’il donne la paix au monde. Nous reconnaissons la nécessité de prier constamment pour la paix, parce que la prière protège le monde et l’illumine. La paix est le nom de Dieu. Celui qui invoque le nom de Dieu pour justifier le terrorisme, la violence et la guerre, ne marche pas sur Sa route : la guerre au nom de la religion devient une guerre à la religion elle-même. Avec une ferme conviction, nous réaffirmons donc que la violence et le terrorisme s’opposent au véritable esprit religieux. » Et l’événement des 20 ans de Tibhirine nous le rappelle à sa façon.
De quel Dieu parlons-nous dans notre Église ? Le débat est toujours là et c’est normal. Pendant le synode sur la famille, c’est bien plusieurs lectures des Évangiles qui se sont affrontées ! On peut penser que certains ont l’air de savoir avant tout le monde quelle est « la Loi de Dieu » qui doit s’appliquer de toute éternité ! Un peu – ou beaucoup – d’humilité serait de mise ! et d’écoute et de compréhension évangélique… Cela ne veut pas dire que tout est possible, mais cela veut dire qu’un chemin est toujours ouvert. Dans la Bible, cela s’appelle « la miséricorde ». Pour sa part, « la Joie de l’amour » nous invite clairement à accompagner, à discerner et à faire que l’Évangile rejoigne tous les gens dans leurs divers états de vie.
Certes, chacun voit le bonheur « à sa porte », dans le sens où chacun le définit à sa manière. Mais la lecture des Évangiles est sans cesse à partager pour avancer dans ce monde compliqué où les fragilités existent pour tout le monde. C’était la certitude des auteurs des livres de la Bible et c’est la certitude du Christ : Dieu nous accompagne dans nos chemins tortueux. Il nous appelle tous à la sainteté (qui n’est pas la perfection !) Mais il ne nous met pas sur le dos des missions impossibles ! Même après l’échec, il nous re-propose sans cesse de nous accompagner discrètement dans la recherche du bonheur ensemble. N’oublions pas enfin que nous sommes créés à l’image de Dieu et que Jésus nous invite à la découvrir dans chacun de nos frères et sœurs, à commencer par les plus fragiles.
Bernard Ollivier, curé de Sainte-Marie-de-Doulon