Renoncer à tout ce qui appartient, préférer le Christ à tout. Construire sur du solide. Voilà un Évangile de rentrée que j’aurais aimé commenter pour vous exhorter à une nouvelle année fondée sur le roc, sur le Christ, avec l’audace missionnaire de ceux qui se délestent pour être plus léger en vue de l’annonce de l’Évangile aux pauvres.
Mais cette année je laisse ce soin à mon successeur. Préférer le Christ, renoncer à tout, construire sur le roc sont des paroles qui doivent se combiner à cette messe d’action de grâce pour les huit années passées parmi vous, et pour vous dire : au-revoir !
L’Évangile cependant nous invite finalement, et simplement, à vivre en fidélité à nos choix. Fidélité au choix que Dieu a fait de vous faire devenir chrétien, fidélité au choix que Dieu a fait de me faire devenir chrétien et serviteur de la communauté chrétienne dans le ministère de prêtre.
Et ce choix pour nous tous est l’appel à suivre Jésus. Rien n’est plus important que cette mise en route à la suite de Jésus. Toute notre existence prend sens à partir de ce point central. Si Dieu existe, c’est vers Jésus qu’on peut comprendre un peu qui il est. Suivre, renoncer à ce qui fait le terrain ferme de notre existence pour s’engager vers du moins sûr. Préférer le Christ à tout parce que choisir le Christ c’est choisir d’aimer tous d’une manière universelle. En préférant le Christ, je préfère chacun de vous. Parce chaque visage parle du christ, parce que chacune de vos histoires est unique. Quelle qu’elle soit, elle peut accueillir la Bonne Nouvelle de l’Évangile.
Parmi les multiples rencontres et conversations du mois d’août je voudrais vous livrer ce dialogue simple et vrai, sans détour, dans une de vos familles. Alors que la conversation est venue sur le manière dont je suis devenu prêtre, l’histoire de ce choix finalement j’ai demandé aux deux garçons de 9 et 12 ans qui participaient à la conversation s’il n’avaient jamais pensé à devenir prêtre. Le plus jeune a répondu qu’il n’y avait jamais pensé. C’était donc désormais chose faite, il pouvait y penser. Le plus grand m’a répondu ceci ou quelque chose d’approchant : « Moi je n’ai jamais pensé à être prêtre, mais je continue mon chemin de croyant : communion, confirmation… »
C’est un cadeau d’entendre cela, vous savez, un grand cadeau. Ce qui compte d’abord ce n’est pas d’être prêtre ou religieux ou marié ou laïc engagé etc. Ce qui compte c’est le chemin de chrétien. Cette intuition, cette réponse de ce jeune de 12 ans, Malo, est la réponse la plus essentielle et la plus vraie de notre histoire chrétienne ; Il n’y a rien de plus important que de poursuivre son chemin de chrétien. Et sur ce chemin il y a des étapes liées à l’âge comme Malo, puis liée aux événements que la vie nous réserve. Dieu se glisse à côté de nous et nous accompagne du point où nous sommes, du lieu qui est le nôtre, de ce point de l’histoire auquel nous sommes arrivés. Timothy Radcliffe, dominicain anglais qui a produit plusieurs livres de spiritualité raconte cette histoire qui se passe en Irlande. Un jour quelqu’un demande son chemin à un passant : la route de Dublin s’il vous plaît ? Et le passant de répondre. Ah si j’étais vous, je ne partirais pas d’ici ! Vous comprenez l’humour anglais ? Le problème de celui qui cherche à aller à Dublin c’est de trouver la route, quel que soit le lieu ou il se trouve. Et le passant n’a rien compris. Dieu, lui, a compris nos attentes et nos désirs de trouver le chemin. Il n’attend pas que nous partions d’ici ou de là, que nous soyons disposés ou pas. Il nous indique le chemin de là où nous sommes.
J’espère exprimer là ce que j’ai essayé de vivre avec vous tous, dans la collaboration avec Yves, René, Alain et Reynald, dans la collaboration avec Catherine, Claire et Jocelyne LEME, dans la collaboration avec Véronique et tous les responsables et membres des si nombreux services de cette paroisse. Je voudrais aussi nommer les prêtres et laïcs en mission ecclésiale avec qui j’ai partagé beaucoup de grands moments depuis 8 ans : Martine, Edita, Nathalie, Véronique, Jean, Bruno. Je garderai dans mon cœur les événements qui font la vie de chacun d’entre vous et qu’il m’a été donné de découvrir au fil des rencontres innombrables durant ces huit années. Je reconnais humblement que l’oreille et le cœur n’ont pas toujours été disponibles et je vous prie de me pardonner.
Le pape François lors de son élection a créé la surprise : alors que tous les Romains rassemblés Place Saint-Pierre, et nous tous qui étions en direct de cet événement attendions sa bénédiction, il a demandé, lui d’être bénis par nous. C’est ce que je vous demande, moi qui ne suis pas pape : de m’accorder votre bénédiction. Parce que c’est vous qui êtes le Peuple aimé de Dieu, parce que c’est vous qu’il a choisi d’arracher aux ténèbres pour vous guider vers son admirable lumière. Devenez chrétiens chaque jour un peu plus. L’Église change, les formes de l’Église change mais ce qui ne changera jamais c’est l’amour que le Christ porte à chacun de nous et qui est l’amour de Dieu même.
C’est difficile de vous dire merci. Comprenez-moi, ce n’est pas que je n’en n’ai pas envie mais j’aimerais en formuler tellement à la mesure donc j’ai été heureux parmi vous, grâce à tous, grâce à chacun.
Dans cette messe d’action de grâce c’est Dieu d’abord que nous remercions. Lui qui nous a donné de nous rencontrer, de nous aimer, de former une communauté forte, diverse et unie, lui qui nous donne de vivre ici dans ces quartiers Est de Nantes l’aventure de l’Évangile commencée aux premiers temps de l’implantation du christianisme à Nantes. Car être enraciné dans l’amour du Christ c’est risquer un peu plus chaque jour d’entre être témoin. Une communauté chrétienne vivante porte l’Évangile et la paix de Dieu au monde. C’est sa vocation, jusqu’au don de sa vie, ou au delà ce qu’on pourrait imaginer parfois. L’aventure avec les migrants nous l’apprend encore. Tel est le feu, et le risque de l’amour. Et demain ? Vous continuerez d’écrire votre histoire avec un nouveau pasteur. Bernard est un peu plus âgé que moi mais il vient lui aussi du Sud de la Loire. Vous saurez composer avec ce nouveau pasteur comme vous avez composé avec moi de diverses manières et votre sagesse est grande : les prêtres passent, les chrétiens demeurent. Je suis heureux de rejoindre Rezé, dans des conditions pas très faciles avec la responsabilité de deux paroisses, ce qui n’est pas bien, mais pour le moment c’est ainsi. Je continue donc ma route et je reprends pour conclure les paroles de l’apôtre Paul aux Chrétiens de la ville de Philippes, paroles choisies lors de mon ordination à Saint-Nazaire il y a 26 ans, et clin d’œil aux jeux olympiques de l’été : « Je poursuis ma course pour tâcher de saisir puisque j’ai moi-même été saisi par le Christ. oubliant ce qui est en arrière, je m’élance vers l’avant. Je cours vers le but en vue du prix auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus. »
Merci à tous, à chacun, du fond du cœur.
Daniel Orieux