Finances

L’occupation du presbytère Saint-Médard

Lettre d’information aux catholiques de Sainte-Marie-de-Doulon.

Depuis le mois d’août je vous ai informés par les bulletins paroissiaux de ce qui s’était passé au presbytère Saint-Médard. Un collectif d’associations a permis à des personnes migrantes de prendre possession illégalement du presbytère. Le diocèse et la paroisse ont refusé de s’engager dans une expulsion, c’est toujours le cas aujourd’hui. De ces deux faits résulte la situation actuelle. Depuis la mi-août 2014 l’occupation est effective et personne n’en voit la fin.

Le collectif d’associations, le Secours catholique, la pastorale des migrants, la paroisse, des individus, ont contribué et contribuent toujours à assurer pour les migrants le nécessaire : logement, nourriture, toilette… mais aussi alphabétisation, théâtre, soins.
La population du presbytère évolue. Certains migrants sont partis, d’autres sont arrivés. Il n’y a pas de gestion organisée de la vie dans le presbytère. Celle ci se passe plutôt par « chambrées » qui regroupent des personnes originaires d’un même pays. Des tensions existent entre les migrants. Ce n’est pas trop difficile d’imaginer cela quand on sait qu’environ soixante-dix personnes occupent le bâtiment que nous connaissons.

Les conditions de vie semblent se dégrader. Du matériel est devenu obsolète à force de servir. La propreté est moins nette qu’au début de l’occupation. Le moral des personnes résidentes au presbytère n’est pas au beau fixe. En l’absence de toute perspective, des fragilités psychologiques se révèlent avec aussi des conséquences sur la santé.

Les personnes migrantes n’ont pas toutes le même statut. La plupart sont demandeurs d’asile. Peu sont déboutés du droit d’asile.
D’autres ont obtenu des cartes de résidents. Ils sont donc à même de pouvoir chercher un logement, du travail. Ils ont besoin de personnes qui les guident dans ces démarches, sachant parler anglais pour traduire et sachant faire preuve de patience et de ténacité dans le contact avec les différentes administrations. Les témoignages abondent malheureusement pour dire le peu d’empressement des administrations à trouver des solutions. Il y a un besoin en ce sens, si des personnes se sentent libres et avec un peu de temps pour aider à ces démarches. Tous les résidents seraient, par le biais d’associations, engagés dans des démarches. Mais cela reste à vérifier. Il nous est actuellement impossible de savoir qui est dans le presbytère, le nombre exact, la situation de chacun, son identité.

Le collectif d’associations regroupe des associations et des individus très divers. L’objectif général est de permettre à tous les migrants du presbytère d’obtenir un toit. C’est la condition nécessaire à leur départ du presbytère. Ces logements pourraient être obtenus avec l’aide de la mairie et bien-sûr de l’État. Le diocèse a fait savoir qu’il pouvait participer à l’effort pour trouver des logements.

Depuis des mois, le diocèse, mais aussi, indépendamment, les associations demandent à l’État représenté par le préfet une table ronde pour mettre tous les enjeux de la question en discussion et pour obtenir des solutions. Il n’y a à ma connaissance aucun signe tangible qui permette de dire que la préfecture veuille bien organiser cette table ronde, même si des pourparlers sont toujours en cours avec le diocèse. Cela dure depuis longtemps et ressemble plutôt à une manière pour l’État d’essouffler ceux qui œuvrent en direction des migrants. La volonté de trouver une solution politique n’existe pas. La mairie de Nantes ne peut pas faire grand chose sans la préfecture mais il semble que là aussi, hormis quelques commodités octroyées aux migrants, la sourde oreille est de mise.

La paroisse, selon les derniers calculs, dépense chaque mois environ
800 euros pour couvrir les frais d’eau et d’électricité. C’est intenable. Le
Secours catholique vient d’envoyer une demande à la mairie de Nantes
et à Nantes Métropole pour obtenir une subvention exceptionnelle destinée à couvrir les frais dus à des situations exceptionnelles, dont celle que nous connaissons. Il n’est pas normal, même si nous avons refusé l’expulsion, que les catholiques soient aujourd’hui à Nantes ceux qui règlent la facture pour un problème qui dépasse largement la paroisse et le diocèse de Nantes.

L’occupation du presbytère ne semble pas avoir d’impact négatif dans le quartier. Tout le monde signale évidemment que des personnes « de
couleur » entrent et sortent du presbytère. Cela ne peut pas passer inaperçu mais, sauf exception, il n’y a pas de plainte formulée et même,
des gens très en phase avec le quartier disent : « on n’entend parler de rien ». C’est un fait assez rassurant. Même si cela n’aide pas à faire
avancer la question. Mais je ne peux pas souhaiter qu’il y ait des problèmes pour que la question avance. Je sais que la population est très sensible à cette question des migrations. Une gestion juste et efficace de ce problème à Doulon contribue à faire dépasser les appréhensions.

Par l’aumônerie des jeunes, la paroisse contribue à la connaissance des personnes migrantes par des jeux et des rencontres. Cependant plus le temps passe plus les risques de dégradation de la situation et de débordements existent. Combien de temps mairie et préfecture laisseront-elles le diocèse et les associations sans perspective ? Combien de temps les migrants, dont il faut redire qu’ils sont des survivants de leurs pays et de la Méditerranée, vont-ils rester sans perspective ? Ce sont eux qui viennent d’organiser la marche des survivants pour commémorer le dernier naufrage. Ils sont vivants et fiers d’avoir réussi de faire cela. Le flot de leur arrivée en Europe ne cessera pas tant que les pays d’origine seront en guerre. Avons-nous ou pas les moyens de proposer un véritable accueil ? Le voulons-nous ? Les associations et les Églises doivent-elles se retrouver seules à gérer ces situations ? Cela ne révèle t-il pas une grave carence de l’État dans la prise en charge des personnes en situation de péril grave ? À toutes ces questions je n’ai pas de réponse.

Je vous invite à trouver le moyen qui est à votre portée pour aider. Je vous invite à prier ardemment l’Esprit Saint pour les personnes migrantes, pour toutes les personnes impliquées dans cette affaire. C’est notre espérance qui nous porte au combat pour la vie. C’est notre espérance qui nous fera nous dépasser pour offrir le meilleur de nous-mêmes au cœur de cette situation. Que l’Esprit de Pentecôte souffle sur nous.

  • Daniel Orieux,
  • curé de Sainte-Marie-de-Doulon
  • le 12 mai 2015

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